Sam Bacile n'existe pas. L'homme qui s'est présenté, le 12 septembre, comme l'auteur et réalisateur de la vidéo islamophobe ayant entraîné des manifestations contre les enceintes diplomatiques américaines au Caire et à Benghazi, la veille, n'est pas un agent immobilier israélo-américain de 55 ans, comme il l'a affirmé à la presse, mais bien plus probablement un copte (chrétien) originaire d'Egypte, nommé Nakoula Basseley Nakoula. Identifié par l'agence Associated Press, il a confirmé diriger la société qui a produit le film mais nié en être l'auteur.
Désormais dans la clandestinité, il aurait demandé la protection de la police de Californie, où il vit. Nakoula Basseley Nakoula avait été condamné en 2010 à 790 000 dollars (606 000 euros) d'amende pour escroquerie bancaire. Son dossier judiciaire indique qu'il avait, par le passé, déjà usé de pseudonymes comme Nicola Bacily ou Erwin Salameh.
Le film, que "Sam Bacile" prétendait avoir été financé à hauteur de 5 millions de dollars par une centaine de donateurs juifs américains, a été tourné avec des moyens dérisoires à l'insu des acteurs – de seconde zone – embauchés pour ce qu'ils croyaient être Le Guerrier du désert, un opus de série Z censé se passer dans l'Egypte des pharaons, et non L'Innocence des musulmans, le brûlot anti-Mahomet dont l'extrait d'un peu plus de treize minutes enflamme une partie du monde musulman.
PLAN MÉDIAS BIEN ÉTUDIÉ
Si la réalisation du film relève de l'amateurisme le plus foutraque, sa diffusion répond à un plan médias bien étudié. Après, semble-t-il, une tentative de projection sans succès au Vine Theater, une salle désuète de Hollywood, le film – du moins sa version courte, personne n'a vu le long-métrage et des doutes subsistent sur son existence même – a été mis en ligne sur YouTube le 1er juillet, sans plus d'écho.
Ce n'est que début septembre qu'apparaît une version en dialecte égyptien. Steven Klein et le pasteur Terry Jones s'en font également les promoteurs. Aussitôt repérée, la vidéo est vue dans le monde arabe et commentée à la télévision égyptienne.
Les violences éclatent le 11 septembre, comme une répétition du scénario infernal imaginé par le pasteur Jones en 2010, qui avait renoncé au dernier moment à cause de la polémique et du risque encouru, notamment par les soldats américains en Afghanistan. Pour finir par brûler des exemplaires du livre saint musulman en mars 2011 après un "procès" public pour "crimes contre l'humanité". Une douzaine de personnes, dont cinq Népalais travaillant pour l'ONU, avaient trouvé la mort dans les émeutes consécutives à l'autodafé à Mazar-e-Charif, dans le nord de l'Afghanistan.