Carlos Ghosn a quitté le Japon où il était assigné à résidence et sous contrôle judiciaire depuis le mois d’avril dernier et après 130 jours passés en prison. L’ex-patron de Renault et Nissan, sous le coup de quatre chefs d’inculpation à Tokyo, a atterri à Beyrouth dimanche soir, ont révélé des médias libanais.
«Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l'otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité», a-t-il écrit, selon un document transmis par ses porte-parole.
Le principal avocat japonais de Carlos Ghosn s'est dit ce mardi «abasourdi» par l'annonce de la fuite au Liban de son client, dont il n'avait perçu aucun signe avant-coureur: «Il continuait à préparer son procès lors de nos réunions régulières». Son avocat qu'il n'a eu aucun contact avec lui depuis son départ dont les conditions demeurent mystérieuses. Les conditions de liberté de l'ex-PDG de Renault-Nissan précisaient en effet que ses passeports étaient gardés par ses avocats, garants du respect des règles imposées par la justice à son égard.
La fuite de Carlos Ghosn intervient quatre jours seulement après une séance de préparation de son procès, comme il s’en tient chaque mois entre les juges, le bureau du procureur de Tokyo, et la défense. Le 25 décembre dernier, Carlos Ghosn a appris que le deuxième volet de son procès, concernant les accusations les plus graves d’abus de confiance aggravée, ne se tiendrait pas en septembre comme il l’espérait. Un peu plus tôt, ses demandes renouvelées de pouvoir entrer en contact avec son épouse, Carole, notamment pour un dîner de Noël, lui avaient également été refusées.
Selon plusieurs proches de l’industriel, Carlos Ghosn ne cherche à fuir ni la justice, ni ses responsabilités. Mais il s’est soustrait à un système judiciaire dont il se dit l’otage depuis son arrestation le 19 novembre 2018 qui a provoqué sa révocation immédiate de la présidence de Nissan qu’il dirigeait depuis 1999. «Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine», a-t-il ajouté, toujours selon le document transmis par ses porte-parole.
L’affaire Ghosn est à la fois une mise en cause des pratiques d’un patron, soupçonné d’avoir dissimulé des engagements de rémunération à son bénéfice et d’avoir détourné des fonds du groupe, et un cas d’école de guerre économique, sa chute ayant révélé l’ambition de Nissan de s’émanciper de son actionnaire de référence, Renault.
Carlos Ghosn a choisi de rejoindre le Liban, dont il est un ressortissant ayant la triple nationalité brésilienne, libanaise, et française. Au pays du Cèdre, il compte de nombreux soutiens et bénéficiera de dispositions très protectrices. Selon un responsable libanais cité par l'AFP, «la manière dont il a quitté le Japon n'est pas claire». Le journal libanais al-Joumhouriya, qui a dévoilé l'information, le patron déchu de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi serait arrivé à Beyrouth dans un avion en provenance de Turquie. Ce rebondissement dans une affaire déjà hors normes risque de provoquer des tensions entre les pays concernés, le Japon et le Liban bien sûr, mais aussi la France.